La maladie commence par un brutal accès de jalousie. Puis une boule dans la gorge. Elle descend
dans l'estomac, noue vos entrailles. Vous vous sentez diminué, triste, inutile. Enfin, vous plongez dans l'abattement, irrité contre tout le monde et en particulier contre vous-même.
C'est la nouvelle épidémie de « fomo », ou la facebook épidémie
On en parle sur Internet, avec une fiche Wikipédia consacré au « fomo » et des études de Harvard
On en parle dans la presse anglophone . On en parle dans Madame Figaro
Peur de manquer quelque chose
Fomo vient de l'anglais « fear of missing out ». Cela veut dire en français
« peur de manquer quelque chose ».
Pas manquer de quelque chose. Manquer quelque chose, dans le sens de rater un événement, une invitation, une information.
Le fomo est provoqué par la vie « complètement fabuleuse » des autres qui s'étale sur Facebook, Twitter, Instagram, les blogs et Internet, et qui contraste brutalement avec les
frustrations, les souffrances, les échecs de votre propre vie.
Exemple :
Vous cuisinez tranquillement des pâtes chez vous. Déjà vous salivez sur ce comté que vous allez faire fondre dedans, avec une généreuse louche de bolognaise.
Votre smartphone vibre. D'un œil, vous consultez votre écran Facebook. Trois de vos amis sont en train d'arriver à un concert. Sur la photo ils sont hilares, bras dessus, bras dessous, et
manifestement fous de joie. Aussitôt, une autre photo apparaît : c'est Jacques et Marie-Odile qui viennent d'arriver dans un hôtel de rêve, en Malaisie.
Vos pâtes et votre comté sont toujours là. Mais ils n'ont plus la même saveur. Vous vous demandez si vous avez fait le bon choix d'être rentré chez vous pour préparer à dîner. Pourquoi n'êtes-vous
pas sorti ? Pourquoi n'avez-vous pas été invité ? Pourquoi les autres s'amusent-ils autant ?
La maladie de la comparaison avec les autres
La personne malade de fomo juge son existence morne, sans intérêt,
et ne peut s'empêcher de consulter fébrilement son smartphone pour suivre la vie des autres et comparer avec la sienne.
Car les « autres » justement, semblent faire des efforts inouïs pour prouver en permanence que leur vie est géniale.
La journaliste Valérie de Saint-Pierre parle dans Madame Figaro d'une « forme de surenchère » :
« Il s’agit de livrer régulièrement à ses amis la version augmentée de sa petite existence. Cette dernière est donc dorénavant obligatoirement jalonnée, via des photos radieuses, de vacances inoubliables, de baisers sur la plage, d’enfants parfaits, de fêtes mémorables, de cadeaux insensés, de cupcakes inouïs, de chatons adorables, de spas de folie… selon les standards lifestyle de chacun. Tout en censurant pudiquement le reste, plus médiocre, évidemment. [4] »
Même si elle essaye elle aussi de publier sur Facebook des photos d'anniversaire où tout le monde rit aux éclats, la personne atteinte de fomo est convaincue qu'elle ne s'amuse pas autant que les autres, et elle en souffre.
Comment Facebook a transformé notre civilisation
Qu'avons-nous fait de nos vies, depuis l'apparition de
Facebook ?
J'ai emmené mes enfants au départ en classe de neige. C'était au petit matin. Des cars étaient là. Je m'attendais à voir des centaines d'élèves surexcités et ravis de partir quelques jours.
En réalité, c'était un silence de mort. La plupart des ados et des professeurs étaient assis dans les cars à tapoter sur leur téléphone, en train d'échanger des messages avec Dieu sait qui.
Arthur C. Brooks, chroniqueur au New York Times, voit les
choses comme ceci : nous passons désormais, pour les plus atteints d'entre nous, « la moitié de notre temps à faire semblant d'être plus
heureux que nous le sommes, et l'autre moitié à regarder comme les autres semblent l'être bien plus que nous ».
Selon le rapport World Travel Market, il ne s'écoule pas plus de dix minutes en moyenne, désormais, entre l'arrivée d'un client dans un hôtel de rêve et le moment où il poste une photo de lui-même
(selfie) sur Internet, le but étant essentiellement de faire bisquer ses « amis »
Comment faire face, comment résister ?
Comment faire face, comment résister ?
Fermer son compte Facebook ? Se couper d'Internet ? Jeter smartphone et ordinateur à la poubelle ?
Cela paraît extrême, pour ne pas dire absurde, surtout si vous gérez vous aussi la plupart de vos factures, comptes bancaires, réservations sur Internet, si vous lisez les new
d'abundiaprana,etc…!
Faut-il arrêter de se comparer ? Arrêter d'envier les autres ? Arrêter d'être triste et seul quand les autres s'amusent ?
Mais ces sentiments ne se décident pas ! Ils vous tombent dessus et puis c'est tout ! Et plus on lutte contre eux, plus ils reviennent en force, comme les envies de chocolat.
Faut-il exiger des autres qu'ils arrêtent d'enjoliver leur existence ? Qu'ils arrêtent de faire semblant d'être tout le temps heureux, d'aller de fête en fête, et de succès en réussites ?
De nous envoyer constamment des images de leur bonheur à la figure ?
C'est un peu ce que semble vouloir Véronique de Saint-Pierre, qui reproche aux gens de poster sur Facebook la photo de leur bébé chiot jack-russell récemment adopté « mais pas de son pipi sur le kilim », ou de leur famille souriante et unie lors d'une
sortie mais « pas de l'engueulade collective dans la voiture en venant »… etc.
Mais est-ce juste de vouloir ça ? Est-ce même vraiment ce que l'on souhaite ?
En train de ramasser les crottes de chien
Imaginez un autre Facebook. Au lieu d'essayer d'enjoliver leur
existence, les gens essaieraient de montrer leur vie telle qu'elle est.
Votre page Facebook serait une succession de photos de vos amis :
Oui, nos vies sont principalement faites de choses triviales,
répétitives, sans intérêt ni aventure.
Oui, pour 5 semaines de vacances par an, il y a 47 semaines de métro-boulot-dodo.
Pire encore, pour 40 ans de vie où nous sommes jeunes, beaux et en bonne santé (dans le meilleur des cas), il y en a 30, 40 ou 50 où ça ne va plus si bien que ça.
Mais quel serait l'intérêt, expliquez-moi, de vouloir à tout prix étaler la monotonie de notre train-train quotidien sur Internet ? Sachant que, déjà, ce qui est publié est à 99 % sans
intérêt, malgré le tri intense qui est fait par les intéressés pour essayer de publier des choses valorisantes ?
Accepter le monde tel qu'il est
Je suis désolé, pour moi Facebook, les blogs, Instagram, c'est comme les albums photos qui
existaient jadis dans nos familles : vous n'y colliez pas des photos sans intérêt, moches ou vulgaires.
Il y avait le grand-père, en grand uniforme de la Première Guerre mondiale. Des photos de baptême, de communion, de mariage. Des photos de famille où tout le monde est bien habillé, bien peigné, et
essaye de faire son plus beau sourire. Des photos de parties de campagnes, de vacances en tandem, à la mer ou au camping.
Qu'auraient donné les mythiques séances de diapo de notre enfance si, au lieu de mettre les photos de vacances, on avait mis des séries sans fin de Papa à l'usine en train de visser des boulons ou de
tondre le gazon ?
Facebook n'est pas un moyen pour vous, ou pour les autres, de mettre sur la place publique votre vraie vie, vos sentiments profonds, vos échecs et vos douleurs. Ces choses là ne peuvent être
partagées sur Facebook. Certains essayent mais ça ne marche pas. Cela donne souvent quelque chose de triste, parfois impudique.
Les choses personnelles ne peuvent se confier que dans l'intimité, à votre meilleur ami, à votre compagne ou compagnon d'infortune, à vos petits-enfants pour qu'ils profitent de votre
expérience.
Facebook c'est pour s'amuser, se distraire, apprendre parfois un fait ou une info intéressante. Se tenir au courant, à peu près, de qui fait quoi.
Mais imaginer que les gens postent leur vraie vie sur Facebook, c'est comme croire qu'on est ami avec PPDA parce qu'on le voit tous les soirs à 20 heures sur TF1. Ou que les actrices qui
jouent dans « Downtown Abbey » sont aussi élégantes et bien habillées dans la vraie vie.
Mais je suis sûr, cher lecteur, que vous n'êtes pas menacé par le « fomo ». Pourquoi ? Parce que vous avez lu cet article jusqu'ici et que cela prouve que vous êtes une personne qui
aime se poser les bonnes questions. Je suis même convaincu que vous faites partie des « sages » dont la vie est bien organisée et bien remplie, et qui s'aperçoivent que la vie des autres
n'a pas forcément à être enviée, bien au contraire.
Cela fait donc déjà une maladie dont vous n'avez pas à vous soucier. Tant mieux, et bravo. Mais n'oubliez pas d'aider les autres !
Jean-Marc Dupuis
santé Nature Innovation
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